~ ... en Scylla ~
Le grand océan qui sépare les grands royaumes humains, Erashas et Affraraly des terres de l'Est comprenant l'Empire et la coalition Hrugrak, est une immense étendue d'eau aussi limpide que capricieuse. La Reine des Mers, parfois surnommée l'Impétueuse, est la Déesse titulaire de ces flots en furie, parcourus de tempêtes et de siphons, ainsi que de créatures marines dont la simple conscience de l'existence provoquerait des cauchemars. Un écrivain fit plusieurs récits dépeignant ces monstrueuses créatures se cachant sous la surface des mers, leur prêtant une intelligence supérieur, des intentions peu louables, et vivant dans une gigantesque cité cauchemardesque au plus profond des flots ; mais cet homme devait être particulièrement dérangé.
~¤~
Le soleil nous gratifia de ses éclats
enchanteurs sans qu'aucun nuage ne vienne troubler leur quiétude, et
la matinée s'achevait alors que nous gagnons le port de Peu-Liés.
J'espérais oublier ces rêves étranges, et me convaincre par la même occasion que ce n'était que ça : des rêves. Surtout cette jeune femme dont j'ignorais le nom, car j'avais l'intime pressentiment qu'elle m'attendait quelque
part, et que je ne m'échapperais pas si aisément de ses griffes. J'eus été réveillé par Kettil, qui cherchait Froux, et l'avait
retrouvé blottit contre moi, sans doute à la recherche de ma chaleur
corporel bien plus élevée en raison de l'affinité commune à certains Erashas renard avec l'énergie tellurique, et le feu.
Le jeune
homme semblait m'en vouloir que son compagnon me préfère à lui, et lâcha
pour simple explication que sa majesté céleste n'avait daigné
m'accorder sa grâce que par pitié mais que lui seul était son serviteur
fidèle et dévoué. Cela fit se détendre un peu plus Asdis à mon sujet,
qui semblait apprécier le fait que son ancien fiancé se taise un peu
plus à cause de moi. J'en appris un peu plus en chemin, elle me parla
longuement de sa relation avec Kettil. Lui était un fils de marchand, et
elle une jeune femme de la noblesse, et contrairement à ce que l'on
pouvait penser ce n'était pas politique. Bien que tête-en-l'air, c'était
une bonne âme, un garçon gentil et prévenant, mais il est parti en
voyage pour voir au moins une fois le monde qui l'entourait, et son
incohérence ainsi que sa vénération pour Froux lui était venu à son
retour, délaissant sa promise pour l'adoration de l'animal.
Asdis
aimait bien le petit furet de feu, mais c'était le comportement du jeune
homme le problème. Et bien que j'écoutais ces problèmes, alors que nous
reprenions la route avec Kettil dans le chariot et nous deux à l'avant,
je pensais quand à moi à cette femme aux cheveux et yeux d'argent. Ceci
dit mon amie m'en éloigna alors qu'elle posa sa main sur la mienne, la
serrant légèrement en disant, triste, que son fiancé lui manquait. Cela
m'affecta, et je compatissais sincèrement, imaginant à mon tour ce
qu'Azaléa dut ressentir éloignée de moi, bien qu'Asdis ait quand à elle
son amour à portée, mais sans pouvoir l'aimer...
Le port était
composé d'une agglomération anarchique de petits bâtiments et de
tavernes, s'étalant devant le grand port entouré d'entrepôts. L'activité principal était la pêche, mais aussi le stockage pour quelques rares compagnies marchandes, une majorité préférant atteindre le port un peu
plus lointain de Canturott, à l'est de Kronen, et s'ouvrant sur
l'archipel qui était notre destination ; cependant, sa facilité d'accès impliquait une taxe plus importante... Asdis expliqua son choix, qui
était de partir le plus vite en mer afin d'empêcher le Culte de nous
retrouver, ce que j'approuvais. Même si j'étais armé, ayant passé à la
ceinture le cadeau d'Eilert Bjark, je n'en restais pas moins un piètre
bretteur, bien plus familier de certains arts que j'avais hérité de
ma famille.
Asdis cherchait sur les quais un navire, dont
elle savait que le capitaine nous prendrait et mènerait n'importe où
pour un peu d'or, ayant une réputation de mercenaire n'hésitant pas à
monnayer ses services dans les luttes entre les différents royaumes
insulaires tant pour le transport de troupe que celui de vivres ou de
matériel. C'était le grand John l'Argenté, un filou de la pire espèce
mais surtout un capitaine hors pair, qui avait vu des luttes et bravé
les flots plus d'une fois. C'était un vieux marin à la peau tannée par
le soleil et le temps, ridée et marbrée, de même que ses mains fortes et
son corps bien charpenter sans être imposant. Ses cheveux d'un gris
sale était en partie dissimulé par son chapeau, et son corps emmitouflé
dans un vieil imperméable bleu nuit qui avait du voir passer vagues et
tempêtes. Il attendait quelque chose devant un navire nommé "La
Splendide", et qui était aussi resplendissante que je n'étais funambule professionnel.
Je ne m'y connaissais que très peu en bateau, mais celui-là me
paraissait usé, le bois abîmé par endroit, l'on pouvait voir les
réparations à la coque et les voiles d'un blanc crasseux avait sans
l'ombre d'un doute des marques de rafistolage. C'était sans nul doute le
vaisseau le plus pitoyable qui n'est jamais flotté. Je ne pouvais que me demander comment une fille à l'allure aussi noble et respectable pouvait connaître une canaille à l'air aussi miséreux.
L'Argenté fumait
la pipe en regardant l'horizon, et ce fut Asdis qui l'interpella en
l'appelant par son nom, et il sembla contrarié de la voir, roulant ses
yeux gris dans ses orbites profondes.
"Tu peux toujours me supplier, après ce que m'a fait ton père," il cracha, "je ne te ferai pas monter à bord."
"Mais... mais j'ai de quoi payer !" S'insurgea la jeune femme.
John lui souffla sa fumée âcre au visage.
"Et l'honneur, gamine, avec quoi tu payes quand on te vole ton honneur ?"
"Tout ça pour une histoire vieille de plusieurs années..."
"Et
vois ou j'en suis ! Ton père, damné soit sa carcasse, a réquisitionné
mon bâtiment et vois ce qu'il est devenu ! Un navire des plus
respectable, que j'ai du réparer tant bien que mal avec la misère qu'il
m'a payé. Et puis une fille a bord serait provoquer la jalousie de la Reine des
Mers."
"Je peux pourtant me rendre utile ! Je... je sais cuisiner !" Essaya de négocier la jeune femme
"Même si c'est meilleur que ce que fait le cuistot, c'est non."
"Goûtez au moins, vous me direz des nouvelles. Mon ami à encore un peu de mon pain-surprise."
J'affichai un air surpris en la voyant me désigner, et en se retournant je vis son clin d'œil, et fit mine de soupirer.
"Moi qui voulait en garder..."
Elle fit mine de prendre quelque chose dans mon sac, et plaça ses mains dans son dos.
"Vous m'en direz des nouvelles..." Dit-elle en approchant du marin.
Il
ne se douta pas une seule seconde que la blondinette allait lui collre son
poing dans la figure, et le coup sonna tellement le grand John qu'il
finit par s'écraser mollement sur les fesses, des étoiles devant les
yeux. Asdis le regarda avec un brin de colère, et prit dans sa poche une
bourse qu'elle lui jeta avant de se diriger vers le navire.
"Vous
m'en direz des nouvelles, de mon pain-surprise. En attendant, on
embarque pour l'archipel des Pleurs sans fin, et pas d'entourloupes."
~¤~
Entre les murs de la vieille abbaye
de Kronen, il y avait une grande pièce faisant office de salle du trône,
qui autrefois était la grande salle de l'Eglise du Culte de la Lune. A la place de
l'autel, se dressait un grand trône, et les bancs où s'asseyaient les
fidèles n'étaient plus, laissant un grand espace, donnant une impression de petitesse face au Roi. Derrière le trône, un vitrail
représentant un phénix, emblème de la famille Grim, avait remplacé
celui à l'image de leur Déesse, la Dame Lune. Le reste de leur abbaye
avait été aussi modifié, mais pour les fidèles, seul ce lieu était
réellement important.
Le Roi était parti apaiser la foule et rassurer
la populace, ces paysans ignares et marchands aussi cupides que
ventripotents, de la bienveillance du Culte à leur égard, et du
rétablissement de l'ancienne religion. Leurs hommes d'armes avaient
lentement rouverts les portes de la ville, mais restaient vigilants et
contrôlaient tout le monde. La salle du trône était alors vide, et des
hommes entrèrent dans la salle, par la petite porte dérobée servant au
Roi mais qui désormais reprenant son rôle d'origine, à l'usage des
prêtres, ces derniers venant se placer autour du trône ; aucun d'eux
n'aurait oser s'y asseoir.
Deux d'entre eux étaient jumeaux, leur
peau blafarde et leur tignasse noir leur donnait un air malade, tandis
que leur corps maigre mais étonnamment grands, ainsi que leurs traits
allongés leur donnait une apparence famélique, et un air de
morts-vivants. Tout deux portaient une longue robe mauve, brodée d'un
croissant de lune argenté au torse, de même que l'un de leur camarade,
qui lui était un homme âgé, aux longs cheveux blancs ramenés en un
élégant catogan. Sa barbe était soigneusement taillée, ses petites
lunettes et sa peau parcheminée couverte de ride lui donnait un air
sage, mais son corps vouté et emmitouflé dans une robe trop ample pour
lui cachait la carrure qui indiquait qu'autrefois il était un vaillant
guerrier.
"Tu ne pourrais pas pour une fois venir en personne, plutôt
que nous ramener cette maudite boite de conserve ?" Demanda le vieil
homme.
Il s'adressait à un homme dissimulé sous un épais harnois
articulé, drapé de noir, dont le casque ne laissait par sa feinte voir
que des ténèbres, et il semblait qu'il n'y avait rien d'autre à
l'intérieur qu'un vide glacial d'où s'élevait une voix tout aussi
froide.
"Tu peux rêver, charogne."
"Viens donc me le dire face-à-face !!" Hurla le vieil homme. "De vétéran de guerre à saloperie de vermine !!"
"Silence." Dis posément le cinquième homme.
Il
ne s'agissait pas vraiment d'un homme mais d'un enfant, vêtu d'un
ensemble noir sur lequel était brodé de nombreuses étoiles, représentant
des constellations que pouvaient reconnaître les érudits en la matière.
L'enfant devait avoir à peine plus de dix ans, mais ses traits enfantins
trahissaient une sorte de savoir sans âge, comme s'il avait vu et vécu un nombre incalculable de choses trop lourdes à porter pour son frêle corps, mais qu'il
arrivait malgré tout à supporter. Ses cheveux blonds étaient propres et
bien coiffés, et ses yeux vert clair brillaient d'un éclat malsain. D'un
simple mot il avait fait taire les deux hommes qui se disputaient, et
qui désormais le regardait avec crainte alors que lui-même n'avait pas
daigné poser le regard sur eux.
Le vieil homme osa cependant s'adresser à lui, après un moment de silence.
"Pourquoi un membre du cercle intérieur a-t-il pris la peine de nous convoquer, et de venir en personne ?"
"Idiot." Répondit-il calmement. "Cette affaire inquiète la Haute Instance."
"Mais
c'est notre rôle de faire loi auprès de nos fidèles," intervint
l'armure, "le cercle extérieur a été créé pour faire le lien entre votre
cercle et les autres partisans œuvrant pour la Cause."
"Cette affaire
est assez importante pour qu'elle requiert ma présence, vous plus que
quiconque devriez le savoir, Elysia. Une de ces vermines d'Erasha a
perturbé le cours de la prophétie. Il a pris l'une des Sept de la main
de Celui-qui-a-forgé. Ça n'aurait jamais du arriver." Il marqua une
pause. "Faite entrer le traître, qu'il réponde de ses actes devant le
cercle extérieur... et devant moi."
~¤~
Ayant
déjà fait nombres de voyages en mer, je n'avais plus ce mal de
transport. Kettil était, aux dires d'Asdis, un fils de marin, et elle-même
fréquentait ports et bateaux depuis son plus jeune âge. Cela aurait été
en effet des plus cocasse que l'un de nous eux le mal de mer, mais ce
n'était pas le cas, fort heureusement. Le voyage commença d'ailleurs sur
une mer calme, peu agitée, alors que nous remontions vers l'Est puis le
Nord. Durant toute la semaine,il n'y eut aucun problème. Le Capitaine
nous supportait, beuglait ses ordres et buvait du rhum, tandis que notre
petit trio discutait de choses et d'autres.
J'aurai cru qu'il nous
arriverait malheur, mais rien ne se produisit tout au long de notre
périple. Nous aperçûmes plusieurs îles au loin, mais d'après le
Capitaine aucune d'elles n'étaient notre destination ; il semblait
connaitre la mer bien mieux que nous. Finalement, nous arrivâmes en vue
de nombreux îlots au loin, et le Long John l'Argenté s'écria
-Nous arriverons à bon port demain midi ! J'ai hâte de vous lâcher, les morbacs, ça me démangeait de vous en collait une !
~¤~
Alors
que Kazuo et ses compagnons étaient à bord d'un navire, mais bien avant
leur départ, l'abbaye de Kronen était le théâtre d'une bien étrange
assemblée. Les cinq sages du temple étaient rassemblés, ayant cessé leur
querelles sur ordre du plus jeune -qui était leur supérieur- pour
laisser entrer celui qu'ils devaient juger. Deux gardes en armure
d'apparat arrivèrent, portant à bout de bras un jeune homme à bout de
force. C'était un Erasha, mais bien différent de Kazuo, car celui-ci était
affilié aux chauve-souris. Ses yeux aveugles étaient fermés, et ses
longues oreilles couverte d'un fin duvet dépassaient de sa chevelure
châtain foncé, contrastant avec sa peau d'une blancheur maladive. Ses
bras formaient des ailes, de la membrane s'étirant entre ses longs
doigts, et seuls deux petites griffes à ce qui lui servait de poignets
pouvaient lui servir à agripper quoi que ce soit. Ses pieds étaient
énormes, et ressemblaient plus à des griffes lui permettant de se
suspendre, de même ses genoux étaient inversés, se pliant dans le sens
contraire à celui des humains, et ses jambes puissamment musclées
étaient aussi recouverte de fourrure, tout comme son cou.
L'Erasha gémissait alors qu'on le traînait, visiblement peu à l'aise sous la
lumière qui s'étendait dans la salle à travers le motif du vitrail.
L'enfant s'assit sur le trône, encadré de ses sujets, et toisait d'un
air mauvais l'homme ailé qui était jeté à ses pieds par deux hommes
portant un tabard noir orné d'un croissant de lune par-dessus une
chemise de maille, et arborant une épée longue chacun à la ceinture.
"Wayne," prononça l'enfant d'une voix forte, "sais-tu pourquoi tu es ici ?"
La chauve-souris ricana d'une voix grinçante et aigu.
"Pour être puni d'avoir fait ce qui était juste..."
"Nous
avons trouvé dans tes affaires une correspondance avec celui que l'on
nomme "Orwell". Tu as averti un étranger de notre venue, pour qu'il
envoie quelqu'un se mettre en travers de notre route !"
La voix de
l'enfant était étonnamment forte, et résonnait furieusement dans
l'immense salle du trône. L'Erasha se recroquevilla un instant, comme paralysé par la peur, avait de se laisser aller à rire aux éclats, faisant à son
tour vibrer la pièce d'une démente hilarité.
"Votre route ?! Quelle
arrogance ! Ne sommes-nous pas le Culte de la Lune ? N'avons-nous pas un
credo à suivre ?!" Il se dressa fièrement, faisant disparaître son
sourire et posant ses yeux clos sur le groupe qui le toisait. "Je sers
les intérêts de la Déesse, et non les vôtres..."
"Que crois-tu ?" Cracha le vieux guerrier. "Que nous avons reconquis cette ville pour notre bon plaisir ?"
"Je
ne parle pas de cela... je sais ce que vous voulez faire, Elle me l'a
montrée. Sacrifier ce que nous avons de plus cher... rien ne justifie ça
!!"
Le jeune homme devint rouge de rage.
"Nous devons accomplir la prophétie, c'est notre devoir !"
"Et vous la regarderez mourir sans rien faire s'il le fallait ?" S'enquit Wayne, d'un ton acide.
"Nous n'hésiterions pas. Plutôt la tuer que de la laisser entre leurs mains..."
"Alors je n'ai aucun regret..."
Il
poussa un cri strident qui fit chanceler tout les hommes dans la pièce,
et trembler le vitrail. D'un bond agile il s'éleva dans les airs,
déployant largement ses ailes, comme un être révélant à la lumière du
jour sa ténébreuse grâce tout droit sortie de la nuit... Battant de ses
ailes membraneuses, il prit de la hauteur et fonça vers le vitrail,
hurlant de plus belle et faisant éclater le verre en millier de petits
éclats colorés, dansant dans le soleil comme autant d'étoiles en plein
jour, au milieu desquels un ange de la nuit passait.
Mais des perles
rouges commencèrent à goutter puis couler sur le sol. Un trait d'énergie
venait de percer le torse de Wayne, laissant un trou d'où le sang
s'échappait comme la vie qui commençait à s'éteindre dans ses yeux
aveugles, s'ouvrant avec étonnement tout en cherchant au travers de l'obscurité, avant de mourir, le jeune homme qui avait la main levée, grésillant encore d'énergie, et qui venait de lui arracher la vie. Un
dernier râle s'échappa entre les lèvres de l'Erasha, qui continua sa descente
jusqu'à passer de la lumière à l'ombre d'une ruelle, son corps sans
vie s'écrasant dans un bruit d'os brisés.
~¤~
Bien loin de ces évènements sordides, un homme contemplait d'un air
concentré un plateau sur lequel était dessiné un motif complexe, fait de
courbes s'entrecroisant et formant une étrange mosaïque où le regard se
perdait au fil de ses arabesques entrelacées. C'était dans un salon
assez spacieux aux murs couverts de plaques de bois, quand ils n'étaient
pas composés de plaques coulissantes, faites de cadres de bois sur
lesquels étaient tendus des tissus traités contre l'eau et le vent. Ils
offraient à la pièce une lumière tamisée, et une fois ouverts, donnaient
sur un long balcon offrant vu sur l'océan.
C'était un homme âgé,
mais dont il se dégageait une impression de force et de respect. Plutôt
grand, il était assis sur une pile de coussin et observait en silence
des petites tuiles de bois, recouvertes chacune d'un symbole étrange,
réparties sur le motif apparemment au hasard. Le vieil érudit avait de
longs cheveux noirs, une bonne partie cascadant dans son dos mais
certains étaient rassemblé en un élégant chignon maintenu par une
baguette de métal.
La robe qu'il portait était couverte d'un motif de
flammes stylisées, autour de la taille une ceinture rouge vif était
nouée, et elle avait des manches amples d'où sortaient ses mains ridées
aux doigts un peu crochus. Il bougeait distraitement les pièces de bois,
pensif, son visage marqué par l'âge gardant des traces d'une vivacité
d'esprit importante, que son regard couleur d'acier transmettait en même
temps que sa grande sagesse au travers de ses yeux bridés. Une longue
et fine moustache descendait plus bas que son menton, et ses lèvres
étaient tirés en une moue de réflexion intense.
Dans la pièce
couverte d'un parquet en bois, il n'y avait que cette table, assez
basse, autour de laquelle des coussins étaient éparpillés afin de
s'asseoir. Mais si rien d'autre n'occupait le grand espace qui composait
la salle, les murs eux étaient mis à contribution, de nombreuses armes y
étant accrochés. Il y en avait de toutes sortes et origines, venant du
monde entier, allant du couteau recourbé manié par les Arracheurs de
Peaux Tanathos à la lance à lame dentelée des Sans-Vie de la Cité
Délétère, en passant par le fléau d'arme des Erashas Hérissons des Collines
d'Émeraudes.
Toutes ses armes potentiellement dangereuses et
soigneusement entretenues étaient exposées selon un ordre bien précis,
et, juste au-dessus de la porte coulissante permettant de sortir, sur un
présentoir plus imposant que les autres qui indiquaient simplement
d'une petite plaque en cuivre la provenance de l'objet, il y avait un
unique mot, gravé avec soin, juste en dessous d'un katana à la lame
noire dont la surface était telle un miroir, donnant une apparence
d'obsidienne au métal légèrement recourbé avec sous le tsuba en or une
poignée couverte d'un long ruban rouge ; et ce mot n'était autre que "Kishin".
Brusquement,
un jeune homme entra non sans précipitation dans la pièce, manquant de
trébucher alors qu'il s'approcha de son maître. Il était vêtu d'une
tunique marron assez sobre, tout comme son pantalon, et, entre quelques
halètement signe d'une course effrénée, il dit au vieil homme qui ne
daigna même pas le regarder :
"Maître Daisuke... le conseiller Haruki... vous fait mander... une missive est arrivé et... le forgeron... il est..."
"Mort." Répondit simplement Daisuke. "C'est étrange. Le Jeu aurait du commencer autrement."
Le
vieil homme croisa les bras, et sur la table, certaines pièces se
mirent à bouger toutes seuls, lentement, glissant en même temps vers
d'autres positions. Sur l'une des pièce apparut une flamme verte, qui
dévora le morceau de bois jusqu'à ce qu'il disparaisse, ne laissant pas
de cendres, ni aucune trace de sa présence.
"Dites au conseiller que
j'arriverai bientôt. La partie n'a fait que commencer, et les règles
changent déjà... j'ai hâte de voir le prochain coup..."
Rédigé par Maître Renard
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire