24/04/2013

L'écorcheur de Lune ~ Troisième chapitre

~ ... en Scylla ~



Le grand océan qui sépare les grands royaumes humains, Erashas et Affraraly des terres de l'Est comprenant l'Empire et la coalition Hrugrak, est une immense étendue d'eau aussi limpide que capricieuse. La Reine des Mers, parfois surnommée l'Impétueuse, est la Déesse titulaire de ces flots en furie, parcourus de tempêtes et de siphons, ainsi que de créatures marines dont la simple conscience de l'existence provoquerait des cauchemars. Un écrivain fit plusieurs récits dépeignant ces monstrueuses créatures se cachant sous la surface des mers, leur prêtant une intelligence supérieur, des intentions peu louables, et vivant dans une gigantesque cité cauchemardesque au plus profond des flots ; mais cet homme devait être particulièrement dérangé.

~¤~



Le soleil nous gratifia de ses éclats enchanteurs sans qu'aucun nuage ne vienne troubler leur quiétude, et la matinée s'achevait alors que nous gagnons le port de Peu-Liés. J'espérais oublier ces rêves étranges, et me convaincre par la même occasion que ce n'était que ça : des rêves. Surtout cette jeune femme dont j'ignorais le nom, car j'avais l'intime pressentiment qu'elle m'attendait quelque part, et que je ne m'échapperais pas si aisément de ses griffes. J'eus été réveillé par Kettil, qui cherchait Froux, et l'avait retrouvé blottit contre moi, sans doute à la recherche de ma chaleur corporel bien plus élevée en raison de l'affinité commune à certains Erashas renard avec l'énergie tellurique, et le feu.
Le jeune homme semblait m'en vouloir que son compagnon me préfère à lui, et lâcha pour simple explication que sa majesté céleste n'avait daigné m'accorder sa grâce que par pitié mais que lui seul était son serviteur fidèle et dévoué. Cela fit se détendre un peu plus Asdis à mon sujet, qui semblait apprécier le fait que son ancien fiancé se taise un peu plus à cause de moi. J'en appris un peu plus en chemin, elle me parla longuement de sa relation avec Kettil. Lui était un fils de marchand, et elle une jeune femme de la noblesse, et contrairement à ce que l'on pouvait penser ce n'était pas politique. Bien que tête-en-l'air, c'était une bonne âme, un garçon gentil et prévenant, mais il est parti en voyage pour voir au moins une fois le monde qui l'entourait, et son incohérence ainsi que sa vénération pour Froux lui était venu à son retour, délaissant sa promise pour l'adoration de l'animal.
Asdis aimait bien le petit furet de feu, mais c'était le comportement du jeune homme le problème. Et bien que j'écoutais ces problèmes, alors que nous reprenions la route avec Kettil dans le chariot et nous deux à l'avant, je pensais quand à moi à cette femme aux cheveux et yeux d'argent. Ceci dit mon amie m'en éloigna alors qu'elle posa sa main sur la mienne, la serrant légèrement en disant, triste, que son fiancé lui manquait. Cela m'affecta, et je compatissais sincèrement, imaginant à mon tour ce qu'Azaléa dut ressentir éloignée de moi, bien qu'Asdis ait quand à elle son amour à portée, mais sans pouvoir l'aimer...

Le port était composé d'une agglomération anarchique de petits bâtiments et de tavernes, s'étalant devant le grand port entouré d'entrepôts. L'activité principal était la pêche, mais aussi le stockage pour quelques rares compagnies marchandes, une majorité préférant atteindre le port un peu plus lointain de Canturott, à l'est de Kronen, et s'ouvrant sur l'archipel qui était notre destination ; cependant, sa facilité d'accès impliquait une taxe plus importante... Asdis expliqua son choix, qui était de partir le plus vite en mer afin d'empêcher le Culte de nous retrouver, ce que j'approuvais. Même si j'étais armé, ayant passé à la ceinture le cadeau d'Eilert Bjark, je n'en restais pas moins un piètre bretteur, bien plus familier de certains arts que j'avais hérité de ma famille.
Asdis cherchait sur les quais un navire, dont elle savait que le capitaine nous prendrait et mènerait n'importe où pour un peu d'or, ayant une réputation de mercenaire n'hésitant pas à monnayer ses services dans les luttes entre les différents royaumes insulaires tant pour le transport de troupe que celui de vivres ou de matériel. C'était le grand John l'Argenté, un filou de la pire espèce mais surtout un capitaine hors pair, qui avait vu des luttes et bravé les flots plus d'une fois. C'était un vieux marin à la peau tannée par le soleil et le temps, ridée et marbrée, de même que ses mains fortes et son corps bien charpenter sans être imposant. Ses cheveux d'un gris sale était en partie dissimulé par son chapeau, et son corps emmitouflé dans un vieil imperméable bleu nuit qui avait du voir passer vagues et tempêtes. Il attendait quelque chose devant un navire nommé "La Splendide", et qui était aussi resplendissante que je n'étais funambule professionnel. Je ne m'y connaissais que très peu en bateau, mais celui-là me paraissait usé, le bois abîmé par endroit, l'on pouvait voir les réparations à la coque et les voiles d'un blanc crasseux avait sans l'ombre d'un doute des marques de rafistolage. C'était sans nul doute le vaisseau le plus pitoyable qui n'est jamais flotté. Je ne pouvais que me demander comment une fille à l'allure aussi noble et respectable pouvait connaître une canaille à l'air aussi miséreux.
L'Argenté fumait la pipe en regardant l'horizon, et ce fut Asdis qui l'interpella en l'appelant par son nom, et il sembla contrarié de la voir, roulant ses yeux gris dans ses orbites profondes.
"Tu peux toujours me supplier, après ce que m'a fait ton père," il cracha, "je ne te ferai pas monter à bord."
"Mais... mais j'ai de quoi payer !" S'insurgea la jeune femme.
John lui souffla sa fumée âcre au visage.
"Et l'honneur, gamine, avec quoi tu payes quand on te vole ton honneur ?"
"Tout ça pour une histoire vieille de plusieurs années..."
"Et vois ou j'en suis ! Ton père, damné soit sa carcasse, a réquisitionné mon bâtiment et vois ce qu'il est devenu ! Un navire des plus respectable, que j'ai du réparer tant bien que mal avec la misère qu'il m'a payé. Et puis une fille a bord serait provoquer la jalousie de la Reine des Mers."
"Je peux pourtant me rendre utile ! Je... je sais cuisiner !" Essaya de négocier la jeune femme
"Même si c'est meilleur que ce que fait le cuistot, c'est non."
"Goûtez au moins, vous me direz des nouvelles. Mon ami à encore un peu de mon pain-surprise."
J'affichai un air surpris en la voyant me désigner, et en se retournant je vis son clin d'œil, et fit mine de soupirer.
"Moi qui voulait en garder..."
Elle fit mine de prendre quelque chose dans mon sac, et plaça ses mains dans son dos.
"Vous m'en direz des nouvelles..." Dit-elle en approchant du marin.
Il ne se douta pas une seule seconde que la blondinette allait lui collre son poing dans la figure, et le coup sonna tellement le grand John qu'il finit par s'écraser mollement sur les fesses, des étoiles devant les yeux. Asdis le regarda avec un brin de colère, et prit dans sa poche une bourse qu'elle lui jeta avant de se diriger vers le navire.
"Vous m'en direz des nouvelles, de mon pain-surprise. En attendant, on embarque pour l'archipel des Pleurs sans fin, et pas d'entourloupes."


~¤~



Entre les murs de la vieille abbaye de Kronen, il y avait une grande pièce faisant office de salle du trône, qui autrefois était la grande salle de l'Eglise du Culte de la Lune. A la place de l'autel, se dressait un grand trône, et les bancs où s'asseyaient les fidèles n'étaient plus, laissant un grand espace, donnant une impression de petitesse face au Roi. Derrière le trône, un vitrail représentant un phénix, emblème de la famille Grim, avait remplacé celui à l'image de leur Déesse, la Dame Lune. Le reste de leur abbaye avait été aussi modifié, mais pour les fidèles, seul ce lieu était réellement important.
Le Roi était parti apaiser la foule et rassurer la populace, ces paysans ignares et marchands aussi cupides que ventripotents, de la bienveillance du Culte à leur égard, et du rétablissement de l'ancienne religion. Leurs hommes d'armes avaient lentement rouverts les portes de la ville, mais restaient vigilants et contrôlaient tout le monde. La salle du trône était alors vide, et des hommes entrèrent dans la salle, par la petite porte dérobée servant au Roi mais qui désormais reprenant son rôle d'origine, à l'usage des prêtres, ces derniers venant se placer autour du trône ; aucun d'eux n'aurait oser s'y asseoir.
Deux d'entre eux étaient jumeaux, leur peau blafarde et leur tignasse noir leur donnait un air malade, tandis que leur corps maigre mais étonnamment grands, ainsi que leurs traits allongés leur donnait une apparence famélique, et un air de morts-vivants. Tout deux portaient une longue robe mauve, brodée d'un croissant de lune argenté au torse, de même que l'un de leur camarade, qui lui était un homme âgé, aux longs cheveux blancs ramenés en un élégant catogan. Sa barbe était soigneusement taillée, ses petites lunettes et sa peau parcheminée couverte de ride lui donnait un air sage, mais son corps vouté et emmitouflé dans une robe trop ample pour lui cachait la carrure qui indiquait qu'autrefois il était un vaillant guerrier.
"Tu ne pourrais pas pour une fois venir en personne, plutôt que nous ramener cette maudite boite de conserve ?" Demanda le vieil homme.
Il s'adressait à un homme dissimulé sous un épais harnois articulé, drapé de noir, dont le casque ne laissait par sa feinte voir que des ténèbres, et il semblait qu'il n'y avait rien d'autre à l'intérieur qu'un vide glacial d'où s'élevait une voix tout aussi froide.
"Tu peux rêver, charogne."
"Viens donc me le dire face-à-face !!" Hurla le vieil homme. "De vétéran de guerre à saloperie de vermine !!"
"Silence." Dis posément le cinquième homme.
Il ne s'agissait pas vraiment d'un homme mais d'un enfant, vêtu d'un ensemble noir sur lequel était brodé de nombreuses étoiles, représentant des constellations que pouvaient reconnaître les érudits en la matière. L'enfant devait avoir à peine plus de dix ans, mais ses traits enfantins trahissaient une sorte de savoir sans âge, comme s'il avait vu et vécu un nombre incalculable de choses trop lourdes à porter pour son frêle corps, mais qu'il arrivait malgré tout à supporter. Ses cheveux blonds étaient propres et bien coiffés, et ses yeux vert clair brillaient d'un éclat malsain. D'un simple mot il avait fait taire les deux hommes qui se disputaient, et qui désormais le regardait avec crainte alors que lui-même n'avait pas daigné poser le regard sur eux.
Le vieil homme osa cependant s'adresser à lui, après un moment de silence.
"Pourquoi un membre du cercle intérieur a-t-il pris la peine de nous convoquer, et de venir en personne ?"
"Idiot." Répondit-il calmement. "Cette affaire inquiète la Haute Instance."
"Mais c'est notre rôle de faire loi auprès de nos fidèles," intervint l'armure, "le cercle extérieur a été créé pour faire le lien entre votre cercle et les autres partisans œuvrant pour la Cause."
"Cette affaire est assez importante pour qu'elle requiert ma présence, vous plus que quiconque devriez le savoir, Elysia. Une de ces vermines d'Erasha a perturbé le cours de la prophétie. Il a pris l'une des Sept de la main de Celui-qui-a-forgé. Ça n'aurait jamais du arriver." Il marqua une pause. "Faite entrer le traître, qu'il réponde de ses actes devant le cercle extérieur... et devant moi."


~¤~



Ayant déjà fait nombres de voyages en mer, je n'avais plus ce mal de transport. Kettil était, aux dires d'Asdis, un fils de marin, et elle-même fréquentait ports et bateaux depuis son plus jeune âge. Cela aurait été en effet des plus cocasse que l'un de nous eux le mal de mer, mais ce n'était pas le cas, fort heureusement. Le voyage commença d'ailleurs sur une mer calme, peu agitée, alors que nous remontions vers l'Est puis le Nord. Durant toute la semaine,il n'y eut aucun problème. Le Capitaine nous supportait, beuglait ses ordres et buvait du rhum, tandis que notre petit trio discutait de choses et d'autres.
J'aurai cru qu'il nous arriverait malheur, mais rien ne se produisit tout au long de notre périple. Nous aperçûmes plusieurs îles au loin, mais d'après le Capitaine aucune d'elles n'étaient notre destination ; il semblait connaitre la mer bien mieux que nous. Finalement, nous arrivâmes en vue de nombreux îlots au loin, et le Long John l'Argenté s'écria
-Nous arriverons à bon port demain midi ! J'ai hâte de vous lâcher, les morbacs, ça me démangeait de vous en collait une !


~¤~



Alors que Kazuo et ses compagnons étaient à bord d'un navire, mais bien avant leur départ, l'abbaye de Kronen était le théâtre d'une bien étrange assemblée. Les cinq sages du temple étaient rassemblés, ayant cessé leur querelles sur ordre du plus jeune -qui était leur supérieur- pour laisser entrer celui qu'ils devaient juger. Deux gardes en armure d'apparat arrivèrent, portant à bout de bras un jeune homme à bout de force. C'était un Erasha, mais bien différent de Kazuo, car celui-ci était affilié aux chauve-souris. Ses yeux aveugles étaient fermés, et ses longues oreilles couverte d'un fin duvet dépassaient de sa chevelure châtain foncé, contrastant avec sa peau d'une blancheur maladive. Ses bras formaient des ailes, de la membrane s'étirant entre ses longs doigts, et seuls deux petites griffes à ce qui lui servait de poignets pouvaient lui servir à agripper quoi que ce soit. Ses pieds étaient énormes, et ressemblaient plus à des griffes lui permettant de se suspendre, de même ses genoux étaient inversés, se pliant dans le sens contraire à celui des humains, et ses jambes puissamment musclées étaient aussi recouverte de fourrure, tout comme son cou.
L'Erasha  gémissait alors qu'on le traînait, visiblement peu à l'aise sous la lumière qui s'étendait dans la salle à travers le motif du vitrail. L'enfant s'assit sur le trône, encadré de ses sujets, et toisait d'un air mauvais l'homme ailé qui était jeté à ses pieds par deux hommes portant un tabard noir orné d'un croissant de lune par-dessus une chemise de maille, et arborant une épée longue chacun à la ceinture.
"Wayne," prononça l'enfant d'une voix forte, "sais-tu pourquoi tu es ici ?"
La chauve-souris ricana d'une voix grinçante et aigu.
"Pour être puni d'avoir fait ce qui était juste..."
"Nous avons trouvé dans tes affaires une correspondance avec celui que l'on nomme "Orwell". Tu as averti un étranger de notre venue, pour qu'il envoie quelqu'un se mettre en travers de notre route !"
La voix de l'enfant était étonnamment forte, et résonnait furieusement dans l'immense salle du trône. L'Erasha se recroquevilla un instant, comme paralysé par la peur, avait de se laisser aller à rire aux éclats, faisant à son tour vibrer la pièce d'une démente hilarité.
"Votre route ?! Quelle arrogance ! Ne sommes-nous pas le Culte de la Lune ? N'avons-nous pas un credo à suivre ?!" Il se dressa fièrement, faisant disparaître son sourire et posant ses yeux clos sur le groupe qui le toisait. "Je sers les intérêts de la Déesse, et non les vôtres..."
"Que crois-tu ?" Cracha le vieux guerrier. "Que nous avons reconquis cette ville pour notre bon plaisir ?"
"Je ne parle pas de cela... je sais ce que vous voulez faire, Elle me l'a montrée. Sacrifier ce que nous avons de plus cher... rien ne justifie ça !!"
Le jeune homme devint rouge de rage.
"Nous devons accomplir la prophétie, c'est notre devoir !"
"Et vous la regarderez mourir sans rien faire s'il le fallait ?" S'enquit Wayne, d'un ton acide.
"Nous n'hésiterions pas. Plutôt la tuer que de la laisser entre leurs mains..."
"Alors je n'ai aucun regret..."
Il poussa un cri strident qui fit chanceler tout les hommes dans la pièce, et trembler le vitrail. D'un bond agile il s'éleva dans les airs, déployant largement ses ailes, comme un être révélant à la lumière du jour sa ténébreuse grâce tout droit sortie de la nuit... Battant de ses ailes membraneuses, il prit de la hauteur et fonça vers le vitrail, hurlant de plus belle et faisant éclater le verre en millier de petits éclats colorés, dansant dans le soleil comme autant d'étoiles en plein jour, au milieu desquels un ange de la nuit passait.
Mais des perles rouges commencèrent à goutter puis couler sur le sol. Un trait d'énergie venait de percer le torse de Wayne, laissant un trou d'où le sang s'échappait comme la vie qui commençait à s'éteindre dans ses yeux aveugles, s'ouvrant avec étonnement tout en cherchant au travers de l'obscurité, avant de mourir, le jeune homme qui avait la main levée, grésillant encore d'énergie, et qui venait de lui arracher la vie. Un dernier râle s'échappa entre les lèvres de l'Erasha, qui continua sa descente jusqu'à passer de la lumière à l'ombre d'une ruelle, son corps sans vie s'écrasant dans un bruit d'os brisés.


~¤~



Bien loin de ces évènements sordides, un homme contemplait d'un air concentré un plateau sur lequel était dessiné un motif complexe, fait de courbes s'entrecroisant et formant une étrange mosaïque où le regard se perdait au fil de ses arabesques entrelacées. C'était dans un salon assez spacieux aux murs couverts de plaques de bois, quand ils n'étaient pas composés de plaques coulissantes, faites de cadres de bois sur lesquels étaient tendus des tissus traités contre l'eau et le vent. Ils offraient à la pièce une lumière tamisée, et une fois ouverts, donnaient sur un long balcon offrant vu sur l'océan.
C'était un homme âgé, mais dont il se dégageait une impression de force et de respect. Plutôt grand, il était assis sur une pile de coussin et observait en silence des petites tuiles de bois, recouvertes chacune d'un symbole étrange, réparties sur le motif apparemment au hasard. Le vieil érudit avait de longs cheveux noirs, une bonne partie cascadant dans son dos mais certains étaient rassemblé en un élégant chignon maintenu par une baguette de métal.
La robe qu'il portait était couverte d'un motif de flammes stylisées, autour de la taille une ceinture rouge vif était nouée, et elle avait des manches amples d'où sortaient ses mains ridées aux doigts un peu crochus. Il bougeait distraitement les pièces de bois, pensif, son visage marqué par l'âge gardant des traces d'une vivacité d'esprit importante, que son regard couleur d'acier transmettait en même temps que sa grande sagesse au travers de ses yeux bridés. Une longue et fine moustache descendait plus bas que son menton, et ses lèvres étaient tirés en une moue de réflexion intense.

Dans la pièce couverte d'un parquet en bois, il n'y avait que cette table, assez basse, autour de laquelle des coussins étaient éparpillés afin de s'asseoir. Mais si rien d'autre n'occupait le grand espace qui composait la salle, les murs eux étaient mis à contribution, de nombreuses armes y étant accrochés. Il y en avait de toutes sortes et origines, venant du monde entier, allant du couteau recourbé manié par les Arracheurs de Peaux Tanathos à la lance à lame dentelée des Sans-Vie de la Cité Délétère, en passant par le fléau d'arme des Erashas Hérissons des Collines d'Émeraudes.
Toutes ses armes potentiellement dangereuses et soigneusement entretenues étaient exposées selon un ordre bien précis, et, juste au-dessus de la porte coulissante permettant de sortir, sur un présentoir plus imposant que les autres qui indiquaient simplement d'une petite plaque en cuivre la provenance de l'objet, il y avait un unique mot, gravé avec soin, juste en dessous d'un katana à la lame noire dont la surface était telle un miroir, donnant une apparence d'obsidienne au métal légèrement recourbé avec sous le tsuba en or une poignée couverte d'un long ruban rouge ; et ce mot n'était autre que "Kishin".

Brusquement, un jeune homme entra non sans précipitation dans la pièce, manquant de trébucher alors qu'il s'approcha de son maître. Il était vêtu d'une tunique marron assez sobre, tout comme son pantalon, et, entre quelques halètement signe d'une course effrénée, il dit au vieil homme qui ne daigna même pas le regarder :
"Maître Daisuke... le conseiller Haruki... vous fait mander... une missive est arrivé et... le forgeron... il est..."
"Mort." Répondit simplement Daisuke. "C'est étrange. Le Jeu aurait du commencer autrement."
Le vieil homme croisa les bras, et sur la table, certaines pièces se mirent à bouger toutes seuls, lentement, glissant en même temps vers d'autres positions. Sur l'une des pièce apparut une flamme verte, qui dévora le morceau de bois jusqu'à ce qu'il disparaisse, ne laissant pas de cendres, ni aucune trace de sa présence.
"Dites au conseiller que j'arriverai bientôt. La partie n'a fait que commencer, et les règles changent déjà... j'ai hâte de voir le prochain coup..."



Rédigé par Maître Renard

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire