16/04/2013

L'écorcheur de Lune ~ Second chapitre


~ De Charybde... ~

En des temps anciens, alors que nul royaume n'avait d'existence, et que la terre était encore vierge de toute culture, lors d'une nuit de pleine lune, un enfant se perdit dans une sombre forêt. Se retrouvant seul en une clairière, sous le regard de l'astre lunaire, il se mit à pleurer. Touchée par sa détresse, la Déesse de la Lune prit forme devant l'enfant, le baignant de sa douce lumière.
"Sèche tes larmes, je vais te guider jusqu'aux tiens."
Le jeune garçon vit se tarir ses larmes, et saisit la main de Dame Lune, qui éclaira les sombres bois d'un halo argenté, et disparut quand le feu du camp où étaient sa famille fut visible. En grandissant, il n'oublia jamais qu'un jour un esprit d'une grande beauté avait ressenti quelque chose pour lui. Le visage et le corps si majestueux ne quitta pas ses pensées, et il finit par revenir maints et maints fois dans la clairière, toutes les nuits de pleine lune, à implorer cette dernière de venir à nouveau le voir. Mais la Dame avait pu voir dans le cœur de l'homme la flamme qui l'animait, or elle était un astre et lui un être de chair et de sang...
La passion se tarit et l'homme finit par être rongé par le chagrin, ce dernier se muant en haine...

Il jura de se venger de la Lune, qui lui avait tendu la main pour ensuite l'abandonner, de n'avoir aucun repos avant d'avoir vu son désir exaucer. Et depuis ce jour, jamais elle ne redescendit des cieux, pour qu'aucun homme ne puisse à nouveau s'éprendre d'elle et en venir à la haïr.

~¤~

"Vous allez me dire pourquoi vous...?"
"Non." Trancha la jeune femme.
"Il va bien finir par se réveiller, et il va falloir s'expliquer, jeune dame."
"Sauf si je l'assomme à nouveau." Rétorqua-t-elle froidement.
"Vous risquez de nuire à ses facultés mentales."
"Pour ce qu'il en reste..."
Cela faisait déjà une bonne heure que nous étions montés sur une carriole remplie de foin devant appartenir à un paysan, et la dénommée Asdis ne me laissa guère le choix, embarquant à bout de bras Kettil vers la charrette qui semblait l'attendre, avec deux ânes pour la tirer vers le port de Peu-Liés. Elle souleva le jeune homme et l'envoya reprendre ses esprits avec la cargaison, avant de monter prendre les rennes. Je n'aurais sans doute pas du m'en mêler, mais quand je sentis Froux grimper rapidement jusque sur mon épaule, et me donner un coup de langue affectueux sur la joue, croyez-le ou non j'eus pris le parti de ne pas laisser ce pauvre garçon en les mains d'une jeune femme qui semblait ne pas le porter dans son cœur.
Elle devait avoir une vingtaine d'année, sans doute un âge proche de celui de Kettil, et était assez jolie même si dans ses yeux bleus brûlait une flamme laissant clairement entrevoir qu'il valait mieux ne pas la contrarier. Elle était vêtue plutôt simplement, comme on pourrait s'y attendre de la part d'une paysanne, même si sa peau claire et ses boucles d'oreilles ayant l'air plutôt chères témoignaient d'un milieu plus aisé. Ses cheveux étaient blonds comme les blés, et elle devait avoir attachés l'arrière de sa chevelure sous le bandana qu'elle portait, laissant quelques mèches encadrer son visage.
"Bien, si vous ne voulez pas parler de Kettil, éclairez-moi au moins sur ce qui vient de se passer en ville."
"C'est sûr qu'avec tes oreilles et ta queue, tu dois être un peu paumé. Faut dire que les Erashas sont pas trop présents par ici, vous êtes plus dans les terres alors que par ici on commerce avec les empires insulaires..."
"Mais encore ?..."
"Bref," trancha-t-elle, "c'est sûr que vous autres vous connaissez pas trop notre histoire... La lune a toujours eu beaucoup d'importance dans notre Royaume, ses cycles pour les cultures, son attraction pour les marées... autant dire que la Déesse a toujours eu une place de choix dans nos cœurs, au détriment d'autres déités."
"Croyez-moi, pour avoir voyagé loin, la lune a toujours une place de choix au panthéon." Précisais-je. "Et ce Culte, serais-ce une divinité oubliée qui concurrence la vôtre ?"
"Oh non, le Culte de la Lune est au contraire un ordre s'étant formé ici en même temps que le royaume. Mais sous prétexte d'une menace que seuls leurs grands prêtres connaissaient, ils commencèrent à taxer les paysans, afin de créer une milice pour protéger les villes, et assurer la protection de leurs fesses. La famille royale finit par renverser la tendance, et botter le train de ces dégénérés. Tous les textes religieux, et ce qui les concernait fut détruit par les flammes qui dévorèrent leur abbaye, avant qu'elle soit reconvertie en palais."
"Charmant..."
"C'était il y a quatre générations. Le seul à encore savoir quelque chose sur eux, c'est Eilert Bjark, mon arrière-grand-père."
Je regardai dans le lointain, un léger sourire pendu à mes lèvres, murmurant dans le vague :
"Fortuna est avec nous..."
"Qui ?"
"Fortuna, la Déesse de la chance au deux visages, qui peut aussi bien se montrer bonne que mauvaise. Elle appartient au panthéon des terres de l'Ouest et du Nord."
"Et pourquoi dis-tu cela ?" Demanda-t-elle, suspicieuse.
"Ma mission était de délivrer un message à votre arrière-grand-père." Elle posa sur lui un curieux regard, semblant vouloir en savoir plus. "Je suis un coursier, sans plus. J'ignore le sens du message. Ça l'avertissait d'un éventuel retour du Culte, et quelque chose à propos des "larmes de Kishin", mais là encore je ne sais pas ce que c'est. Une idée ?"
La jeune femme resta pensive, les yeux tournés vers le ciel. Son visage avait quelque chose qui me faisait penser à un diamant, matière brute et résistante mais qui, une fois taillée, révélait une beauté, une fragilité apparente qui avait quelque chose de touchant. Elle lâcha un soupir et posa ses yeux durs sur le chemin que nous suivions, ne daignant pas me regarder. Cet Asdis était sans nul doute une fille de la noblesse, cela se ressentait à son silence, qui semblait réfuter avec style mon existence ; mais elle finit par me répondre.
"Je ne sais pas de quoi il s'agit, mais je comptais aller quérir l'aide de la famille impériale de l'archipel des Pleurs sans Fin. Grand-papy y a vécu dans sa jeunesse, et était très ami avec le grand-père de l'actuel Empereur."
"Très bien, je suis des vôtres."
"Hors de question, un étranger n'a pas à se mêler de nos affaires !"
Sous le cou d'une impulsion, je glissai mes mains sous le tissu et empoignai l'arme qui était posée sur mes genoux, et la dégainai afin de la brandir vers le soleil. C'était une arme exceptionnelle, sa lame était noire, et sa surface réfléchissante, fine, longue, et d'une étonnante légèreté. La garde était courte et plaquée d'argent, contrastant avec la noirceur de l'arme, alors que la poignée était en cuir soigneusement traité. Il n'y avait pour pommeau qu'un petit cristal sphérique qui brillait comme habité par le feu quand le soleil le frappait. Même dans mes habits des plus modestes, je donnais l'impression d'être un prince en brandissant cet arme.
"Elles le sont depuis que j'ai accepté de porter ce courrier, et encore plus lorsque votre parent m'a confié cet épée."
Je la rengainai, et constata que le fourreau était en cuir tout simple, et ne rendait pas hommage à la beauté de l'arme. Sans doute pour éviter les tentations. Le reste du voyage se fit silencieux au début, avant que nous n'échangeâmes quelques banalités, et finîmes par nous détendre et même rire un peu. Derrière nous, nous pouvions entendre Kettil ronfler, Froux blottit sur sa poitrine.

Nous fûmes arrivés au port de Peu-Liés juste avant la nuit, mais nous restâmes à bonne distance, si bien que je ne pus voir la cité, perdue dans l'ombre à l'est du mont Peu-Liés. Asdis m'apprit que le nom de ce port vient du fait que les marins qui y vivent viennent de nombreux horizons, et n'ont pas réellement de foyer ancré en ces terres où en une autre. En réalité, ils sont fils de l'océan, et peu liés à la terre qui les a vu naître, car leurs cœurs appartient à l'embrun qui les aspergent lorsque les caprices de l'Impétueuse, ou Manami comme l'appelle les impériaux, la Déesse des flots aussi capricieuse que magnifique à en croire les légendes transmises parmi les marins.
Nous fîmes un feu, et profitions des provisions que j'avais eu la prévenance de prendre en cas de coup dur, ne sortant que quelques morceaux de viande séché pour chacun, gardant pour plus tard le reste, sinon faire des provisions serait un effort bien inutile. La nuit tombait et je sentais une curieuse tension entre mes compagnons depuis que Kettil, quelques heures auparavant, avait repris connaissance, une sorte d'électricité dans l'air qui me dérangeait. Je sortis de mon sac une fine couverture de laine, et me mit en place pour dormir, me servant dudit sac comme coussin.
"Puisque vous semblez peu prompt à engager une conversation autre qu'au travers de regards ponctuant vos longs silences lourds de sens que seuls vous comprenez, je vais dormir."
"Mais c'est elle qui... !" Commença Kettil, avant qu'Asdis ne lui lance un regard venimeux.
"Bien." Lâcha-t-elle, un soupçon de tristesse perceptible au fond de sa voix. "Lui et moi nous connaissons, et même bien. Si tu veux tout savoir Kazuo, avant qu'il ne devienne ce crétin écervelé obnubilé par sa peluche, Kettil était mon fiancé.
Puis elle nous laissa là, le jeune homme regardant les flammes, impassible, et moi abasourdi par la révélation. Asdis s'en alla s'allonger dans le foin, et alors que je me couchais, il me semblait entendre des pleurs.

~¤~

C'était comme s'il s'était retrouvé perdu dans les plaines du Bout du Monde, bien que les ténèbres qui l'entouraient ne lui permettait de rien discerner, il avait l'intime conviction qu'autour de lui régnait un vide absolu, sans fin, sans consistance, ce qui pouvait se rapprocher le plus du néant. Il n'y avait que le sol, un sol plat, sans aspérité, et alors qu'il fit quelques pas, l'Erasha avait l'intime conviction que le sol resterait ainsi, où qu'il aille. Une plaine infinie, sans début ni fin, sans distinction. Kazuo n'était rien, quelque part dans un immense rien.
Il avança, avança, parcouru ce qui semblait être un océan de ténèbres dont le silence pesant était seulement troublé par le bruit étouffé de ses bottes, quand soudain quelque chose perça les ténèbres : une lueur rouge se fit voir, et le renard à l'allure humaine s'en approcha à pas prudent. Son corps finit par être baigné d'un éclat carmin, alors qu'il vit se dessiner devant lui un bassin creusé dans la roche, rempli de ce qui semblait être du sang. Sa surface était aussi lisse que pouvait l'être le sol, nullement irisé par un quelconque courant d'air. Et, alors qu'il n'était qu'à quelque pas d'elle, l'eau fut parcourue par une onde, un frisson, puis quelques autres, avant que quelque chose ne vienne percer sa surface. Deux mains jointes émergèrent, les bras s'écartant d'une façon un peu théâtrale à mesure qu'ils remontaient, alors que l'être semblait surgir de l'eau comme par enchantement. De longs cheveux noirs masquaient son visage, ruisselant de sang, tout comme sa peau qui luisait de l'éclat rouge malsain qui se dégageait de son sinistre bain. Il posa les mains sur le rebord, et leva la tête pour fixer ses yeux d'un bleu glacial, froid comme la mort, sur Kazuo.
"Alors ce serait toi, le fameux Eilert Bjark..." Lâcha-t-il d'une voix douce, mélodieuse, mais qui arracha à Kazuo un frisson de peur...

"Vous vous méprenez monseigneur, je ne suis pas l'homme que vous recherchez."
L'homme plissa les yeux, et observa celui qui lui faisait face de haut en bas, détaillant chacune des  parcelles de son corps que pouvait révéler la lueur rouge du bassin dans lequel il trempait. Puis ses yeux s'éclaircir, comme s'il avait une révélation. Il regarda alors ailleurs, l'air pensif, comme s'il observait quelque chose perdu dans l'océan insondable de noirceur les entourant.
"Ce n'était pas censé se passer ainsi... ce n'aurait pas du être lui qui fut en ce lieu..."
"Pardonnez-moi mais qu'est cet endroit au juste ?"
Reportant ses yeux d'un bleu arctique sur le renard, l'homme le contemplait avec méfiance, tout en gardant un rictus amusé au coin des lèvres. Il semblait se délecter avec amusement de la question qui lui était posée, comme si la réponse était évidente, et les interrogations de Kazuo ne faisaient que grandir, notamment sur l'état mental de l'individu qui devant lui se baignait dans ce qui semblait être du sang.
"Tu es toujours là où tu te trouvais tout en étant à milles lieux de là-bas. Tu es partout et nul part à la fois, cet espace existe sans exister ; il est le reflet de ce que nous sommes, façonné par notre volonté. Vous appeler ça un rêve, mais ceux dont la force d'esprit est implacable lui donne matière hors des limites de la chair."
"C'est un rêve ?" S'enquit Kazuo, perplexe.
L'homme éclata d'un rire froid, qui résonna avec force autour d'eux.
"Non, ton esprit a été attiré ici, dans ce monde né du mien. Ce lieu existe sans exister, il n'est que le fruit de ma volonté, et la volonté y fait loi. Je suis loi."
Comme pour illustrer ses dires, le vent se mit à souffler, venant caresser les cheveux de feu de Kazuo, et ceux noirs ail-de-corbeaux de son sinistre interlocuteur. Un moment de tension passa entre les deux individus, le silence se fit alors qu'ils se toisèrent, le renard cherchant une logique, une échappatoire, tandis que l'homme au regard de glace jaugeait avec attention l'Erasha captif d'un rêve qui tenait plus du cauchemar.
"Qui êtes-vous ?" Demanda Kazuo, d'une voix neutre, pesant ses mots avec prudence.
"Je suis loi." Répéta-t-il simplement, esquissant aux coins de ses lèvres un sourire.
"Alors vous vous nommez Loi ?" Rétorqua le rouquin.
Un rictus méprisant s'empara des traits creusés par la maigreur du sombre homme.
"C'est comme ça que tu me nommeras, bâtard engendré par la pitié, et que le monde me connaîtra quand tous s'agenouilleront devant moi !" Il frappa le sol du poing, faisant clapoter l'eau alors que son corps semblait bouillir de rage. "Un autre aurait du se tenir à ta place, tremblant de peur et caressé par ma divine lumière..."
Son corps se mit à irradier d'une lueur blanche, alors qu'il levait les bras vers le ciel et relevait la tête, et le renard put le regarder plus en détail. Son corps était jeune, finement musclé, et faisait sans doute de lui un impitoyable guerrier, mais quelque chose en cet homme paraissait vieux, usé, comme brisé par la vie et perdu dans des pensées d'un autre temps, que seul lui pouvait percevoir. Le regard voilé de noirceur, il le plongea dans celui de Kazuo.
"Que tu sois ou non Bjark, cela ne changera rien. Donne-la moi ou tu mourras."
"Donner quoi ?" S'enquit le concerné, un peu inquiet.
"Alors tu ignores tout... ou tu tiens à mourir," siffla-t-il. "Soit, je ne le répéterais pas deux fois."
Levant la main vers le rouquin, ce dernier sentit un frisson le parcourir. Les ombres autour de lui semblèrent s'animer, danser sous l'effet de la fureur de l'étrange ; des formes étranges, menaçantes, firent s'éveiller en l'Erasha un soupçon de crainte, de peur, alors que tout ce néant l'entourant sembla se dresser contre lui... Une main se forma, s'insinuant lentement dans son dos, vers sa gorge, et les griffes immatérielles enserrèrent pourtant réellement la trachée de Kazuo, qui ne put que se débattre, les poils hérissés, alors qu'il commençait à suffoquer face à cet ennemi intangible, face au regard chargé de froid qui semblait briller d'une malsaine malice. Mais, alors que l'oxygène lui manquait sous l'effet des phalanges d'ombres, quelque chose sembla glisser entre ses doigts : une poignée dont il se saisit, désespéré, et, instinctivement, brandit l'épée qui s'était frayé un chemin jusqu'à ses doigts, tranchant e se retournant le bras ténébreux qui le privait d'air. L'homme poussa un hurlement, fou de douleur, mais Kazuo reporta son regard vers la lame, et se rendit compte qu'il s'agissait de l'épée de Bjark.
"Monstre !! Tu l'as amenée ici, dans mon sanctuaire !! Je... je..." La rage se changea en peur, pour redevenir une colère monstre qui se dirigea vers les ténèbres par-delà la lumière émanant de l'homme. "Garce, je te tuerais tu m'entends !! Je t'arracherai la peau astre de malheur, je t'écorcherai, comme tous les autres !!"
Puis une lumière irradia le paysage, et tout disparu.

~¤~

"Lève-toi, mon être aimé." Murmura avec douceur une voix féminine à mes oreilles poilues.
"Azaléa ?" Lui répondis-je.
D'un rire cristallin la voix m'offrit sa réponse, qui semblait être non, et je me rendis compte que ce n'était pas la voix de mon amour de jeunesse, Azaléa, une jolie Erasha renarde au tempérament enflammé qui avait su me captiver. Mais après notre adolescence je suis parti en voyage, promettant de revenir un jour, et lui demandant de ne pas m'attendre. J'étais jeune, ivre d'aventure, et ce n'est qu'à mon retour, découvrant que ma mère était sur le point de rendre son dernier souffle, que je compris que l'amour était une chose importante. A Val l'Ancienne, je retrouvais au seuil de la maison familiale son père qui m'annonça d'une triste voix qu'elle était mariée, même s'il n'appréciait guère son marin, à l'inverse de moi. Je n'ai pas cherché à en apprendre plus, et ais trouvé ce travail auprès d'Orwell. J'oubliais bien vite les tracas amoureux, et me laissa aller à mes penchants aventureux ; la vie était pleine de surprise, après tout.
Et c'est pour cela que je décidai d'ouvrir les yeux ; et je fus tout d'abord ébloui par la lumière diffuse qui me baignait. J'étais allongé sur une surface cotonneuse, douce, et en me relevant, mes yeux habitués observèrent ce qui m'entourait. J'avais l'impression de me retrouver dans un lieu exactement comme celui que je venais de quitter, mais en étant son inverse opposé. Tout était baigné d'une lumière douce, et même si je ne distinguais rien dans cet espace immense, il ne semblait pas oppressant. Des flocons de neige voletaient tout autour de nous, mais il faisait chaud, et le sol sur lequel nous étions faisait penser à un nuage, si tant est que ces derniers fussent moelleux.
Et je dis nous car je n'étais, bien entendu, pas seul.
"Je suis heureux de te parler, toi que j'aime plus que tout au monde."
"Excusez-moi mais... on se connait ?" Demandais-je, intrigué.
"Bien sûr que non. Pas sous cette forme du moins..."
C'était une jeune femme qui ne devait guère avoir plus de vingt-six ans. Elle avait un petit nez et un air mutin accentué par son sourire, ses lèvres fines révélant de belles dents blanches. Ses yeux étaient d'un gris loin d'être terne, brillant, et dans lesquels on pouvait voir luire selon la lumière de petits éclats de bleu, de rouge, de vert... de toutes les couleurs. Ses fins sourcils accentuaient son regard charmeur, de même que ses longs cils. Ses oreilles étaient dissimulés sous sa longue chevelure encadrant le visage en ovale de la jeune femme, les mèches argentés descendant jusqu'au bas de ses reins, suivant la délicate courbe de son corps. Sa poitrine n'était pas des plus généreuse, mais cela ne nuisait en rien à l'harmonie de ses formes, couvertes par une robe blanche et fine, laissant ses avant-bras nus de même que le bas de ses cuisses, qu'elle mettait en valeur en s'étant assis sur le côté, comme si elle cherchait à me charmer, impression confirmé par son regard, traduisant une grande fascination à mon égard.
"Tu es ce héraut qui me sauvera, n'est-ce pas ?"
"J'ignore même qui vous êtes, ma dame." Lui répondis-je.
Elle rit.
"Les réponses viendront en leur temps. J'ai écarté notre ennemi de toi pour cette nuit, et je te protégerais les suivantes. Tu n'as rien à craindre tant que tu es avec moi." Elle marqua une pause, et posa sa main sur la mienne. "Ecoute, il y a longtemps des hommes ont écrits une prophétie à mon propos, ont déjà décidé de mon avenir et fait en sorte que ce terrible destin m'arrive ; mais ce n'est qu'une possibilité, même les Dieux ne peuvent voir que des chemins qui s'ouvrent dans l'avenir, et il n'appartient qu'à nous d'emprunter ceux que nous voulons. Mais je ne suis qu'un astre, une Déesse des Cieux, et je ne peux changer le destin que choisissent les hommes."
"Je... je ne saisis pas tout ce que vous racontez, là..." Avouais-je, un peu confus. "Je dois être fatigué avec ces... rêves..."
"Tu es futé, mon amour de renard, mais c'est peut-être un peu trop pour toi. Il y aurait beaucoup à dire, et je dois faire vite, venir à toi m'épuise. Continue ta route mon preux chevalier à la fourrure rousse, la vérité se trouve dans le métal qui a divisé les hommes..."
"Je suppose que ces paroles finiront par avoir du sens." A ma remarque, elle rit, et je fis de même. "Vous êtes belle, ma dame, mais je préfère me montrer prudent. Vous le comprenez je suis sûr, et je verrai comment tourne les évènements. Tout ceci semble me dépasser..."
J'étais assis sur le sol, jambes étendues, et elle vint à me rallonger  non sans douceur, avec un air mutin, avant de passer à califourchon sur moi en riant aux éclats. Je l'accompagnai, d'un rire léger, et plongea mes yeux dans les siens, mais j'eu l'impression que cela était si... faux... un doux parfum me titillait les narines, enivrant mes sens, et son regard, ses yeux aux reflets arc-en-ciel... quelque chose en moi hurla, et, mon cœur s'affolant, je repoussai quelque peu brutalement la belle jeune femme, et reculai, la respiration haletante, me sentant piégé par les charmes enjôleur de cette créature de rêve... Elle me toisa sans bouger, me jaugeant, un éclat étrange dans le regard, dangereux, avant d'animer ses lèvres d'un sourire peu rassurant...
"Tu finiras par m'appartenir, mon héraut au pelage de feu..."  dit-elle dans un souffle, sans me quitter du regard

Rédigé par Maître Renard

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